Autant que la soif dans les pays arides, le froid reste le principal révélateur de la précarité sociale et économique partout dans le monde. Le Maroc qui bénéficie d’un climat très varié, de type tempéré et méditerranéen au Nord, océanique à l’Ouest, continental au centre et à l’Est, et aride au Sud, n’échappe ni à la sécheresse estivale, ni aux rigueurs de l’hiver. Comme chaque année, la vague de froid qui sévit actuellement dans notre pays charrie dans son sillage des images désespérantes de populations montagneuses ou rurales enclavées, qui ne doivent leur salut qu’à la solidarité sociale et à des actions choc menées sous forme de campagnes ponctuelles. Le calvaire de ces centaines de milliers de concitoyens, qui subissent de plein fouet les affres de la météo, nous rappelle l’ampleur du travail qui reste à faire d’un point de vue logistique, infrastructurel et organisationnel pour réduire leur vulnérabilité structurelle.
En ville, le constat n’est pas plus reluisant. En plus du martyre hivernal des sans domicile fixe et autres enfants des rues, l’hiver trahit les innombrables dysfonctionnements et vices de forme et de fond de nos constructions. Écoles, bâtiments administratifs, comme les plus récentes résidences d’habitation, se transforment en effet en chambres froides où il fait plus frais qu’à l’extérieur et où la vie devient moins supportable que dans un igloo inuit. La faute en cela à des normes, notamment d’isolation thermique, constamment et allègrement bafouées sans aucune forme de sanction ou de conséquences pour des promoteurs immobiliers dont seule une minorité infinitésimale respecte des cahiers des charges pourtant protégés par la force de la loi.
Et pour boucler la boucle, dans un pays qui aspire pourtant à devenir un champion de la transition énergétique et du développement écoresponsable, les Marocains face aux températures quasi-arctiques de pareil hiver, lorsqu’ils ne recourent pas au bon vieux et très mortel charbon de bois, n’ont d’autre choix que de se draper dans d’amples «bettaniate» et de s’équiper en radiateurs «low cost», souvent made in China, avec un ampérage astronomique qui les rend très énergivores et donc nullement écoresponsables. Des radiateurs qui se vendent comme des petits-pains dans toutes les «kissariates» et grandes surfaces du pays, après avoir traversé nos frontières en toute tranquillité, sans qu’aucune administration ne réagisse ou ne s’en offusque. Brrr et Grrr !
Anass MACHLOUKH